Etude de cas : Titre : Groupement de la culture de contre saison, un espace d’apprentissage des techniques de maraichage et de communication sur les violences basées sur le genre : l’expérience de TCHANGAÏ Justine

QUELLE EST LEUR SITUATION PERSONNELLE (SITUATION FAMILIALE, SCOLARITÉ, ETC.) ?

TCHANGAÏ Justine, une jeune femme de 23 ans, vivant dans le village de Landa ; canton de Tabindè, Commune Sotouboua 1 est une mère de deux enfants. Elle a arrêté ses études en classe de 4ème suite à une grossesse précoce. Une tentative de reprendre le chemin de l’école après accouchement n’a pas abouti par manque de soutiens financiers et sociaux. Cette situation a obligé Justine à abandonner son désir de poursuivre ses études.

Mèhèza 27 ans, mari de Justine, était lui aussi élève en ce moment dans une école technique en maçonnerie. L’activité économique principale de Justine et de son mari est l’agriculture de subsistance puisque Mèhèza, après son CAP en maçonnerie, n’exerce pas encore son métier.

Etant déjà dans le domaine agricole, Justine fut l’une des jeunes et adolescentes à s’enrôler dans le champ école et actuellement dans le groupement de cultures de contre saison mis en place par le projet « Renforcement de l’accès au droit à la sante sexuelle et reproductive des jeunes filles et adolescentes des préfectures de Sotouboua et de Mô au Togo » (SSR-BMZ). Aujourd’hui, mère de deux enfants, Justine désire apprendre un métier. De son coté, Mèhèza, le mari compte se déplacer vers la capitale pour exercer son métier.

POURQUOI CE PROJET EST-IL IMPORTANT POUR EUX ET POUR LEUR FAMILLE, LEUR COMMUNAUTÉ, ETC ?

Le projet SSR-BMZ qui a pour objectif de contribuer à l’amélioration de la santé sexuelle et reproductive des filles et des jeunes femmes âgées de 10 à 24 ans est important pour Justine et sa famille ainsi que pour son village à plus d’un titre « je suis reconnaissante à ce projet car il nous a offert un cadre de discussion sur les questions de santé sexuelle et reproductive, et d’apprendre les meilleures techniques culturales dans nos champs et jardin » ; a déclaré Justine.

En effet, des discussions sont animées dans les champs écoles et les groupements de culture de contre-saison sur les thèmes de SSR et de SMI. Ces groupements et champs écoles étant composés essentiellement de jeunes femmes sont un espace idéal d’échange pour ces jeunes et adolescentes. Ainsi suite à une séance sur les stigmatisations dont sont victimes les femmes et jeunes filles en période de menstruation, Justine (vivant malheureusement cette situation avec son mari et ayant compris le processus de la survenue des règles) a décidé de discuter du sujet avec ce dernier. « J’ai eu connaissance de l’origine des règles chez une fille ou femme. Nombreux sont nos parents qui l’ignorent encore. Je vais une fois à la maison essayer d’échanger au tour de cette question avec mon époux qui croit à ces croyances sur la menstruation » ; a  laissé entendre Justine à la suite de cette séance.

En effet, Mèhèza comme encore certains hommes dans le village de Landa croient à la puissance maléfique des menstruations. Et pour cela, ils interdisent leurs femmes et jeunes filles en période de menstruation de faire certaines tâches (la cuisine, donner de l’eau à boire à un étranger, aller dans les champs d’ignames…,) : « Chez moi, une femme ou fille en menstruations ne fait pas à manger et ne doit pas mettre pied dans mon champ d’ignames », propos de Mèhèza rapportés par Justine.

Justine une fois à la maison a abordé le sujet en essayant de faire savoir à Mèhèza ce qu’elle a appris dans le groupement sur les menstruations dans le but de lui faire revoir sa position sur les normes en ce qui concerne les règles.

« J’ai toujours eu une réponse défavorable à ma demande de laisser tomber ces normes sur les menstruations de la part de mon époux » ; persuadée désormais que les règles sont un phénomène naturel chez la jeune fille et la femme de la puberté à la ménopause, Justine demanda de l’aide auprès du papa champion (homme modèle et engagé pour l’implication plus accrue des hommes et des garçons sur des questions de SMI et SSR des jeunes et adolescents mis en place et formés sur les projets SMI-BMZ et puis SSR-BMZ).

Ce projet vient aussi soulager les couples comme celui de Justine et les jeunes en mettant à leur disposition les méthodes contraceptives modernes qui pour l’espacement des naissances et pour retarder au plus loin possible la survenue de la première grossesse à travers l’intervention des Agents de Santé Communautaire (ASC) :                      « Nombreuses sont les jeunes filles et adolescentes aujourd’hui qui adoptent les méthodes contraceptives modernes dans mon village comme le font déjà les femmes », a affirmé PAKPALI Tchilalo, F, 38 ans, ASC, village de Landa, canton de Tabindè.

EN QUOI CELA A-T-IL CHANGÉ LA FAÇON DONT LEURS FAMILLES ET LEURS COMMUNAUTÉS LES PERÇOIVENT ?

Dans la localité de Landa, où vivent Justine et son époux, certaines personnes surtout les hommes pensent et croient que les règles sont capables de faire gâter les tubercules d’ignames et d’autre puissances négatives attribuées à ce phénomène naturel et normal :« Ces normes au tour des règles nous ont été transmises par nos parents. Et depuis nous croyons à ça sans avoir vraiment la certitude de ces effets sur nous ou nos cultures. Mais après les discussions avec ma femme et le papa champion, j’ai compris que c’est un phénomène normal. Aussi avec les exemples et voyant l’attitude que j’ai à l’endroit de ma femme, j’ai pris conscience du tort que je faisais à Justine et des conséquences que ces interdits ont sur la vie des filles et des femmes. J’ai pris la résolution de ne plus imposer ses interdits à ma femme », confiait Mèhèza.

« Depuis le jour que mon mari a compris que les menstruations sont naturelles, je passe mes règles sans crainte d’être dans l’obligation de ne pas faire à manger. Aussi, commence-t-il par s’intéresser à mon cycle menstruel » ; a rapporté Justine.

COMMENT CELA A-T-IL CHANGÉ LEURS PROPRES ATTITUDES ET LEUR CONFIANCE EN SOI ?

Justine raconte que désormais elle est à l’aise et ne s’angoisse plus à la veille du début de ses règles. « Je n’ai plus cette peur de faire mes règles comme par le passé. Je peux aisément m’exprimer par rapport à mes règles. Avant je ne pouvais pas partager avec mon mari ma souffrance durant mes jours de règles puis que je fais des règles douloureuses.  Mais désormais ce n’est plus le cas. J’ai tout son soutien en ces périodes » ; poursuivait Justine en ces termes.

COMMENT CELA A-T-IL CHANGÉ LEUR VIE ? (QUE CE SOIT MATÉRIELLEMENT, PSYCHOLOGIQUEMENT, ETC. ?)

« Je m’entend encore plus bien avec mon mari.  Nous sommes encore plus proche l’un de l’autre. La peur et la honte que j’avais à discuter de mes règles avec lui ont disparu. Je suis alors plus confiante au cours de cette période que par le passé » ; a souligné Justine.

À QUOI RESSEMBLERAIT LEUR VIE S’ILS N’ÉTAIENT PAS IMPLIQUÉS DANS CE PROJET / COMMENT ÉTAIT-CE AVANT LE PROJET ?

Sans ce projet, Mèhèza, allait demeurer dans ses croyances antérieures : « les règles sont dangereuses pour la virginité et la puissance de l’homme. Elles font gâter les ignames » ; et ainsi perpétue dans sa famille la norme selon laquelle « une fille/ femme en menstruations ne doit pas faire à manger et ne doit pas aller dans les champs d’ignames ».

QUELLES SONT LEURS AMBITIONS / QU’AIMERAIENT-ILS DIRE À QUELQU’UN QUI VISITE LA ZONE DANS 5 À 10 ANS ?

Faisant parti d’un groupe d’épargne (GE) en dehors du groupement de culture de contre-saison et de champ école dans son village, Justine a pris l’engagement de sensibiliser les autres membres de ces organisations à base communautaire sur les conséquences des stigmatisations faites aux filles et aux femmes sur la menstruation malgré les réticences des personnes réfractaires à la transformation de cette norme.

DÉCRIVEZ COMMENT LE PROJET TRAITE LE PROBLÈME QU’IL ESSAIE DE RÉSOUDRE ?

Le problème ici que veut résoudre Justine est en fait une violence basée sur le genre qui se traduit par la stigmatisation dont sont victimes les jeunes filles et les femmes à cause de la menstruation. Cette stigmatisation est due à la persistance des croyances et normes néfastes qui entourent la menstruation. Pour lutter contre ce problème, plusieurs activités sont mises en œuvre dans le cadre du présent projet. Il s’agit entre autres de :

  • Formation des Points focaux GHM aux niveaux des établissements ;
  • Discussion dans les communautés (écoles, ateliers d’apprentissage, groupement de culture de contre saison, champ école, …) sur la gestion hygiénique des menstrues ;
  • Mise en place des modèles de Dialogue intergénérationnel (DIG) dans les villages pour la transformation des normes et croyances néfastes à la jouissance des droits SSR ;
  • Les sensibilisations réalisées par les Papas champions avec leurs pairs ;
  • Célébration de la journée internationale de la gestion de l’hygiène menstruelle ;
  • Formation des patrons et patronnes d’ateliers de couture sur la fabrication et la promotion de l’utilisation des serviettes réutilisables à base du tissu.

QUELQUES TÉMOIGNAGES ILLUSTRATIFS DES ACTEURS.

« Le travail que fait ce projet est très louable. Il est bien vrai que la transformation des normes prend énormément de temps. Mais nous avons espoir que ces normes néfastes qui perpétuent la domination de l’homme sur la femme vont finir par disparaitre avec ces genres d’actions. Il est ici question de peser les conséquences que ces normes ont sur les femmes et nos filles et les supposés bienfaits. Pour moi ces normes devraient disparaitre » soutient M. KEDE Pèrépèté, 51 ans, Membre du GE Solimda, village de Landa, canton de Tabindè.

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